lundi 16 mars 2009

L'armée algérienne 1954/1994: Mutations internes9

PLAN


Par Riadh Sidaoui


INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE: LA REVOLUTION : Rôle déterminant de l'ALN

CHAPITRE (1): SITUATION REVOLUTIONNAIRE

1.1. L'APPARITION D'UNE ELITE REVOLUTIONNAIRE

1.1.1. L'ORGANISATION SPECIALE

1.1.2. CONFLIT/RUPTURE AU SEIN DU MOUVEMENT NATIONAL

1.1.3. LE COMITE REVOLUTIONNAIRE POUR L'UNITE ET L'ACTION

1.1.4. LES COMITES DE 22; 5; 6; 9.

1.1.5. LA COMPOSITION SOCIALE DE CETTE ELITE

1.2. LA PARTICIPATION DES MASSES

1.3. L'INCAPACITE DU COLONISATEUR FACE A LA REVOLUTION

CHAPITRE (2): RESULTAT REVOLUTIONNAIRE

2.1. L'USAGE MASSIF DE LA VIOLENCE

2.1.1. LA VIOLENCE EXTERNE

2.1.2. LA VIOLENCE INTERNE

2.2. LA LIBERATION ET LE CONTROLE DE L'ETAT

2.3. UNE REVOLUTION SANS IDEOLOGIE

DEUXIEME PARTIE: L’EXERCICE DU POUVOIR:

OU LA DOMINATION TOTALE DE L'ARMEE

CHAPITRE (3): L'EPOQUE BEN BELLA

3.1. LE CHOIX SOCIALISTE

3.2. FLN/ANP: NATURE DE RELATIONS

3.3. LE COUP D'ETAT DE 19 JUIN 1965


CHAPITRE (4): L'EPOQUE BOUMEDIENNE

4.1. L'ECARTEMENT SUCCESSIF DES CHEFS HISTORIQUES

4.2. ARMEE: DOMINATION TOTALE DE LA SCENE POLITIQUE

4.3. ARMEE ENGAGEE DANS LES PROJETS DU DEVELOPPEMENT

4.3.1. LE CHOIX SOCIALISTE

4.3.2. L'INDUSTRIE INDUSTRIALISANTE

4.3.3. ARMEE / IDEOLOGIE

TROISIEME PARTIE: L'ARMEE DANS LA CRISE

CHAPITRE (5): LA REORIENTATION VERS LE LIBERALISME

5.1. LE RETOUR DES LIBERAUX

5.2. LA CRISE TOTALE DE LA SOCIETE

5.3. ARMEE / FLN : LA SEPARATION

5.4. LA PERTE DES ELECTIONS DEVANT LE FIS ET LE FFS

5.5. L'ARMEE ECARTE BENDJEDID ET LE FLN


CHAPITRE (6): CONFLIT/UNITE AU SEIN D'UNE ARMEE NATIONALE

6.1. ARMEE FACE AUX ISLAMISTES: L'UNITE INDISPENSABLE

6.2. LES RISQUES D'IMPLOSION

6.2.1. ERADICATEURS / CONCILIATEURS

6.2.2. LE CONFLIT REGIONALISTE

6.2.2.1. LES ORIGINES HISTORIQUES

6.2.2.2. DOMINATION D'UNE REGION

6.2.3. LE CONFLIT ETHNIQUE

6.2.3.1. MINORITE AMBITIEUSE / MAJORITE PRUDENTE

6.2.3.2. POSTES TABOUS

6.2.4. LE CONFLIT DE GENERATIONS

CONCLUSION GENERALE

TABLE DE MATIERES


BIBLIOGRAPHIE

1. OUVRAGES:

- ABBAS, Ferhat, L'indépendance confisquée, Flammarion, Paris, 1984.

- ADDI, Lahouari, L'Algérie et la démocratie, ed. La Découverte, Paris, 1994.

- AGERON, Charles Robert, Histoire de l'Algérie contemporaine, collection Que Sais-je?, PUF, Paris, 1964.

- AIT AHMED, Hocine, La guerre et l'après guerre, Les éditions de Minuit, Paris, 1964.

- BADIE, Bertrand et GERSTLE, Jacques, Lexique sociologie polotique, PUF, Paris, 1979.

- BAECHLER, Jean, Les phénomènes révolutionnaires, Collection SUP: Le Sociologue, PUF, Paris, 1970.

- BALTA, P. et.RULLEAU, C, La stratégie de Boumedienne, Sindibad, Paris, 1978.

- BOUDIAF, Mohamed, Ou va l'Algérie, Hiwar-Com, Alger 1992.

- CAMAU, Michel, ouvrage collectif de Maurice Flory, Batigat Kamari, Robert Manzan, et Pierre Agate, Les régimes politiques arabes, P.U.F., Thémis/sciences politiques, Paris, 1990.

- CHALIAND, Gérard , Mythes révolutionnaires du tiers monde, Le Seuil, Paris, 1979.

- CHIKH, Slimane, L'Algérie en Armes, ou le temps des certitudes, Economica, Paris, 1981.

- DAHLAB, Saad, Mission accomplie, Ed, Dahlab, Alger, octobre 1992.

- ELDIB, Fethi, 'Abdennasser et la révolution algérienne, L'Harmattan Paris, 1986.

- FANON, Franz, Les damnés de la terre , F. Maspéro, Paris, 1961.

- FRANCOS, Ania et J.P. SERENI, Un Algérien nommé BOUMEDIENNE, Stock, Paris, 1976.

- GADANT, Monique, Islam et Nationalisme en Algérie, L'Harmattant, Paris, 1984.

- GRAWITZ, Madeleine, méthodes des sciences sociales, Dalloz, Paris, huitième

édition 1990.

- GRIMAUD, Nicole, La politique extérieure de l'Algérie, Kartala, Paris 1984.

- GUARFI, Ahmed et CHAIB, A.K, Boudiaf, l'homme des ruptures, Ed, Chihab, Alger, 1992.

- HARBI, Mohamed, La guerre commence en Algérie, Ed, Complexe, Bruxelles, octobre 1984.

- Le FLN mirage et réalité (1954 / 1962) , 3ème édition, Ed, Jeune Afrique, Paris, 1985.

- Lachref, Mostafa, L'Algérie, Nation et Société, Sociéé nationale d'édition, Alger, 4ème trimest1978.

- LEBJAOUI, Mohamed, Bataille d'Alger ou d'Algérie, Gallimard, Paris, Juillet 1972.

- vérités sur la révolution algérienne, Gallimard, Paris, 1970.

- LOUIS, Martin Chauffier, L 'examen des consciences, Paris, Julliard, 1961.

- MERLE, Robert, Ahmed Ben Bella, Gallimard, Paris, 1965.

- ROUADJIA, Ahmed, Les frères et la mosquée, Kartala, Paris, 1990.

- SALAM, Chaker, Berbères aujourd'hui, l'Harmattan, Paris, 1989.

- STORA, Benjamin, la gangrène et l'oubli, La Découverte, Paris, 1991

2. ARTICLE:

- ABADA, Khadidja, "La fin d'un mythe", Les Cahiers de l'Orient, 4ème trimestre 94 1er trimestre 1995, No:36/37.

- ADDI, Lahouari, "Violence et système politique en Algérie", Les temps modernes, 50e année, No: 580, janvier/ février, 1995.

- BOETCSH, Jacques, "En fin seul", l'Express, No du 25/12/67.

- BOULARES, Saïd, "La Grande Muette livre ses secrets", Les Cahiers de l'Orient, troisième/ quatrième trimestre1995 No: 39/40.

- CORCE, Paul-Mari de la, "En Algérie, mobilisation contre le compromis", Le Monde Diplomatique, 42e année, No: 493, Avril 1995.

- CUAN, Yves, "La guerre de succession", L'Express, No: 25/11/1978

- DE BERNIS, “Deux stratégies pour l’industrialisation du tiers monde : les industries industrialisantes “, Revue Tiers monde, Tome 12, No:42, juillet-septembre 1971.

- DJEGHLOUL, Abdelkader, "l'après Chadli, a-t-il déjà commencé?". Monde arabe, Maghreb-Machrek, No: 133, juillet-septembre 1991.

- DUTEIL, Mireille, "La nébuleuse du pouvoir", Esprit, Paris , no: 208, janvier 1995.

- El Moudjahid, “Le rôle de la lutte armée en Algérie”, n° 53‑54, ler novembre 1959.

- El Moudjahid, "EL-Moudjahid vous présente le fidaï", n° 1.

- El Moudjahid, "Le fascisme ne sauvera pas le colonialisme francais en Algérie", n° 33, 8 décembre 1958.

- GOUMEZIANE, Smaïl, "Le FLN resserre les rangs", Jeune Afrique, No: 1774, du 5 au 11 janvier 1995.

- "La transition à petits pas", Jeune Afrique, No: 1776, du 19 au 25 janvier 1995.

- HARBI, Mohamed, "Violence, Nationalisme, Islamisme", Les temps m, 50e année, No: 580, janvier / février 1995.

- "L'Algérie prise au piège de son histoire", Le Monde Diplomatique, 41e année, No: 482, Mai 1994.

- ROBETRS, Hugh, "Thirty years after the revolution", AFRICA REPORT, November-December 1984.

- ROD, Aya, "Theories of Revolution Rreconsidered: contrasting Models of collective Violence", in Theorie and Soc, 1979, vol.8,

- ROUADJIA, Ahmed, "Du nationalisme du FLN à l'islamisme du FIS", Les temps modernes, 50e année, No: 580, janvier / Février 1995.

- YAFSAH, Abdelkader, "Armée et politique depuis les événements d'octobre 1988: l'Armée sans Hidjab", Les temps modernes, 50e année, No: 580, janvier/ février1995.

L'armée algérienne 1954/1994: Mutations internes8

CONCLUSION GENERALE

Par Riadh Sidaoui

Les caractéristiques principales de l'armée de libération nationale (ALN), pendant les années 1954-1962, peuvent se résumer à partir des points suivants:
1- L'origine politico-militaire de ses commandants: ces derniers ne proviennent pas d'académies militaires et n'ont aucune expérience professionnelle dans ce domaine. Ils sont avant tout des militants politiques. La première génération qui a fondé l'ALN est issue de l'organisation spéciale (l'OS), alors que la deuxième est recrutée parmi les jeunes algériens notamment chez les étudiants (Boumèdienne) et les lycéens (Boutaflika, Medghri, Ahmed Cherif...). Dans les deux cas, ces militaires avaient la conviction profonde de leur supériorité sur les civils. Cela s'explique d'une part par la confrontation brutale et le danger quotidien qu'ils vivaient et, d'autre part, par la nature de la révolution algérienne, une révolution déclenchée au nom de la rupture radicale avec les méthodes pacifiques. Cette élite militaire a exploité une situation révolutionnaire (Tilly) pour conduire la révolution à un résultat révolutionnaire.

2- Le conflit ouvert dès 1956, pendant le congrès de la Soummam entre les civils du FlN et les militaires de l'ALN: une tendance représentée par Abanne Ramdane, fait prévaloir le politique sur le militaire, alors qu'une deuxième tendance, celle des militaires, rejette cette distinction. Cette seconde tendance apparaîtra sur le terrain par une volonté flagrante de dominer les institutions de la révolution à premier pas et ensuite les appareils du futur Etat algérien indépendant.

3- La différence radicale entre les militaires et les civils apparaît sur le plan organisationnel. En fait, les politiques étaient dans une lutte interne permanente, leurs alliances n'étaient pas stables et leurs intérêts n'étaient pas homogènes. En revanche, les militaires, et notamment ceux de l'état-major, s'étaient distingués par leur unité organisationnelle, leur pouvoir hiérarchisé, leur discipline et obéissance totale vis-à-vis du commandement général incarné dans la personne charismatique du chef de l'état-major Houari Boumèdienne. Cette différence a facilité l'arrivée au pouvoir des militaires et la maîtrise totale des événements politiques qui ont marqué l'Algérie pendant la révolution.

4- La composition sociale de l'armée algérienne est marquée par une forte présente de la classe paysanne. En effet, les soldats de l'ALN sont, en majorité, originaires de la campagne ainsi que les commandants de l'état-major. Cette composition sociale a permis une propagation rapide des idées progressistes au sein de l'armée. Boumèdienne a résumé cette tendance quand il déclare " nous n'avons pas fait la révolution pour devenir un "khammes" chez un propriétaire algérien". D'où, l'adoption totale de l'idéologie socialiste comme projet modernisateur de l'Algérie post-coloniale. Cette armée a lutté contre les civils du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) en les accusant du libéralisme, d'être une prolongation naturelle du colonisateur français. Ce qui a intensifié cette lutte chez les militaires est l'appartenance de la majorités des civils du GPRA à la classe citadine.

5- La composition culturelle de l'armée est caractérisée par la domination de la langue/culture arabe. Les soldats sont, souvent, analphabètes ou ayant une culture arabe limitée. Tandis que les chefs de l'état-major sont des arabophones formés dans des universités arabes religieuses ou dans les madrasas (école religieuse musulmane) des Oulémas . Ils ont ajouté, alors, à leur projet socialiste un autre projet qui est l'arabisation de la société algérienne. Ceci est contre la francophonie des civils du GPRA, qui étaient en majorité francophones.

6- Les efforts conjugués au militantisme des militaires ont abouti finalement à un résultat révolutionnaire qui s'est incarné dans l'indépendance totale et inconditionnelle de l'Algérie et dans l'arrivée de la coalition la plus radicale au pouvoir en 1962. Cette coalition est constituée d'Ahmed Ben Bella (président de la république) et de Haouri Boumèdienne (chef de l'état-major) avec ses adjoints et ses soldats. L'arrivé de la faction la plus radicale au pouvoir confirme la thèse de Jean Baechler: tant la guerre serait brutale et longue (7ans), tant les plus radicaux auraient plus de chance de s'emparer de pouvoir.
Dès les premiers jours de l'indépendance, l'armée impose son projet socialiste et son choix d'arabiser la société algérienne. Ces propos confirment notre hypothèse générale.

La deuxième partie de ce mémoire a traité des mutations profondes au sein de l'armée nationale populaire (ANP) pendant l'époque de Ben Bella, puis celle de Boumèdienne. Dans la période de Ben Bella, entre 1962 et 1965, il y avait un partage de pouvoir entre les politiques représentés par la présidence de la république et par le parti unique du FLN. Ces deux institutions avaient cohabité avec les militaires pendant trois ans. Le seul point commun entre les deux camps (civils et militaires) était l'application du socialisme dans le pays. La cohabitation entre les politiques est les militaires est devenue impossible. En dépit de la personnalité charismatique du président Ben Bella, l'armée a pu mettre fin à son règne et prendre tout le pouvoir sans partage en instaurant un nouvel organe exécutif nommé le conseil de la révolution, qualifiant le parti unique du FLN de "corps sans âme".

Toutefois, l'armée s'est lancée dans une restructuration radicale afin de devenir plus homogène, plus hiérarchisée et plus professionnelle. Afin de réaliser une telle restructuration, Boumèdienne a beaucoup recruté chez les officiers de l'armée française et investi dans la création des académies militaires algériennes pour la formation d'une nouvelle génération. En outre, il a envoyé des cadres algériens aux académies soviétiques et arabes (notamment au Caire et à Bagdad) pour une haute formation technique. Tout cela était mis en oeuvre en parallèle avec l'écartement successif des chefs historiques de l'ALN.
En fait, Boumèdienne a placé massivement les officiers de l'armée française dans des postes sensibles. Il a justifié cette politique par l'absence de la compétence chez les cadres de l'armée de libération. Selon lui, les maquisards, souvent quasi analphabètes, sont incapables de diriger une base aérienne moderne qui exige une formation scientifique et technique très haute. D'où, la nécessité de recruter chez les officiers de l'armée française. Or, cette argumentation cache une autre politique délibérée et consciente. En réalité, Boumèdienne voulait écarter de l'armée ces compagnons qui jouissaient comme lui d'une légitimité révolutionnaire historique. Il souhaitait ainsi être le seul à maîtriser cet appareil déterminant dans la lutte pour le pouvoir. Qui plus est, Boumèdienne estimait que ces officiers devaient posséder certaines qualités: ils devaient être professionnels, dépolitisés et loyaux. L'aspect professionnel induisait une efficacité technique, plus spécifiquement face aux menaces de l'armée marocaine.
Le fait d'être dépolitisé éloignait le danger probable d'une intervention de l'armée contre l'institution de la présidence de l'Etat et notamment après l'échec du putsch du colonel Tahar Zbiri (chef d'état-major en 1967).
Enfin la loyauté à l'égard du son pouvoir personnel engendrait une stabilité politique et sécuritaire permettant au chef de l'Etat d'achever ses projets socialistes. En contre partie, ces officiers étaient protégés et valorisés par Boumèdienne.
Toutefois, le socialisme appliqué en Algérie est un socialisme dénué des véritables théories socialistes. Autrement dit, la constitution de Boumèdienne, souligne clairement que l'armée nationale populaire algérienne est la garante de l'application socialiste, tandis que dans la réalité quotidienne, cette même constitution ne reflétait pas réellement la nouvelle composition sociale et idéologique de cette armée. Dans les faits, les seuls garants demeuraient principalement Boumèdienne, détenteur du pouvoir et chef de l'armée, et quelques rares officiers convaincus, souvent originaires de l'ALN ou de la nouvelle génération formée après l'indépendance, qui soutenaient les choix socialistes.

Cette contradiction profonde entre une constitution socialiste, des "slogans progressistes" et une élite militaire anti-socialiste dans la pratique ne perdura pas longtemps.
A la mort de Boumèdienne en décembre 1978, une nouvelle politique qui se différenciait de la voie socialiste appliquée jusqu'alors, sera mise en place par le gouvernement de Chadli Bendjedid. Cette nouvelle voie caractérisée par une tendance libérale s’accéléra après les événements d'octobre 1988. Dans cette nouvelle orientation, les officiers issus de l'armée française, prennent une place plus importante.
Ces officiers sont intervenus directement dans la prise de décisions par :

1- Le soutien de l'arrivée de Chadli Bendjedid, connu par sa tendance libérale, à la tête du pouvoir en écartant le socialiste du FLN Mohamed Salah Yahyaoui.

2- L'écartement systématique des boumèdiennistes non seulement de l'armée mais aussi des autres appareils politiques comme le parti du FLN, et les postes sensibles dans l'administration algérienne.

3- L'imposition de la réorientation vers l'économie de marché, en privatisant le secteur public, acceptant les directives du FMI et de la banque mondiale. Ce qui a mené à une inflation financière considérable, une chute spectaculaire de la monnaie nationale (le Dinar), une augmentation des prix, insupportable pour la plus large couche de la population algérienne, et un licenciement massif des employés.

4- Le rejet du projet tiers-mondiste algérien quant à l'engagement en faveur des pays et des mouvements progressistes dans le monde et de façon générale le désengagement du militantisme anti-impérialiste.

5- Leur nomination (les officiers de l'armée française) dans les postes-clés de l'armée et l'Etat algérien. En 1991, l'année de la destitution de Bendjedid, on les trouve à la tête des postes suivants:
- Le ministre de la défense: Khaled Nizar
- Le ministre de l'intérieur: Alarbi Belkhir
- Le chef de l'état-major de l'armée: Mohamed Lamari
- Le chef de l'armée terrestre: Mohamed Touati
- Le chef de la sécurité militaire: Mohamed Médienne

6- La destitution de Chadli Bendjedid. Quand celui-ci a voulu réduire leur influence politique en cherchant un compromis avec les islamistes pour partager le pouvoir et écarter les officiers de l'armée française, ces derniers ont réagi rapidement et efficacement contre ce plan.

7- L'arrêt du deuxième tour des élections législatives pour empêcher l'arrivée au pouvoir des islamistes, l'attaque totale, sanglante, contre ces derniers sur tous les plans, l'appel à l'éradication du phénomène islamiste, malgré son implantation au sein d'une large partie de la société algérienne, tout cela a conduit à "une guerre civile" dont la perte humaine et matérielle demeure lourde.

8- Le refus total de toutes possibilités de dialogue avec les islamistes, malgré les occasions multiples offertes et les nombreuses médiations internes et externes pour établir un dialogue sérieux afin de mettre fin à la diffusion quotidienne du sang. En revanche, ils (les officiers de l'armée française) ont adopté, sinon imposé le choix éradicateur à l'égard des islamistes.

9- La lutte contre les tentatives réformatrices du président de la république, le général Liamine Zéroual. Ce dernier, officier de l'ALN jouissant à la fois d'une légitimité historique et d'un respect à sa personne au sein du reste de l'armée ainsi que la classe politique algérienne, tentaient à plusieurs reprises de trouver une solution pacifique. En vain, il échouait à cause de l'objection de ces officiers.

Toutefois, l'armée algérienne, à l'exception de quelques rares désertions, est restée solidaire, unie, face aux menaces des islamistes. Ce qui a empêché l'effondrement de l'Etat algérien. Paradoxalement, à ce qui s'est passé avec l'armée impériale du Chah en Iran , l'armée algérienne s'est montrée une armée nationale forgée dans une institution qui ne dépend pas, pour sa persistance, des individus. Or, cette solidarité et cette unité face aux islamistes ne pourraient pas cacher pour longtemps les profondes déchirures dont vivaient l'armée algérienne.
D'abord, elle est menacée par l'aggravation des conflits historiques, notamment le conflit régionaliste. La domination des officiers de l'Est sur l'armée et en particulier les chaouites, peut toujours provoquer une réaction brutale des officiers ou soldats de l'Ouest ou du centre pour redistribuer les postes de commandement d'une manière juste et reflétant l'équilibre régional du pays.
En suite, il y avait le conflit de générations, qui pourraient être déterminant dans les futurs années. En fait, la génération des officiers de l'armée française et ce qui reste des officiers de l'ALN sont en train de disparaître à cause de l'âge et le destin de la retraite. Dans dix ans au maximum, tous ces officiers serons obligés de quitter l'armée et laisser leurs places à une nouvelle génération. Une génération de post-indépendance, qui ne jouit pas du mythe de la légitimité historique mais qui possède une réputation professionnelle et technique. Une génération formée dans les académies de Moscou ou de Bagdad ou de Caire, et souvent dans les académies algériennes, des jeunes officiers qui sont, relativement, non corrompus et pas mêlés directement à la lutte du pouvoir. Cette génération, pourrait, par son pragmatisme technocratique, mettre fin aux massacres déchirant la société algérienne en optant la thèse réconciliatrice avec les islamistes, et en freinant l'instauration d'une économie de marché. Cependant, cette génération pourrait être l'alliée loyale du général/président Liamine Zéroual pour sauver l'Algérie et instaurer pour la première fois dans le monde arabe contemporain une démocratie réelle qui respecte l'équilibre politique et sociale de la société et le choix de la majorité. Les derniers événements pourraient expliquer en partie ce scénario:
- Au début de mois de mai 1996, le général Khaled Nizar (le metteur en scène de la destitution de Benjedid et l'arrêt du processus électoral), a été mis à la retraite.
- Au début de mois de juin 1996, sept généraux ont été mis à la retraite, on cite:
* Mohamed Ghnim, secrétaire général du ministère de la défense.
*Abbas Ghzéyal, commandent général de la gendarmerie nationale.
*Abderrazek Tetwani, directeur de la sûreté extérieure.
* Abdelhamid Taghith, inspecteur général du ministère de la défense.
* Mohamed Touati, conseiller de Khaled Nizar.
* Attaib Eddaragi, le conseiller du ministre de la défense .
Cette nouvelle politique pourrait trouver un soutien international, notamment des Etats-Unis, qui n'ont pas cessé à l'appel du dialogue et la réconciliation. Dernièrement (décembre 1996), Graham Fuller, ex-officier à la CIA, et actuellement chercheur dans la Rand Corporation (centre stratégique qui s’occupe de l'évaluation des risques) a publié un rapport concernant la guerre civile en Algérie. Dans ce rapport, commandé par l'armée américaine, il affirme que la politique éradicatrice pratiquée par les généraux au pouvoir, a subi un échec flagrant. Par conséquent, ils n'y auraient que deux scénarios possibles: le premier serait un "marchandage" à huis clos, à la soudanaise, de l'armée avec des groupes issus de la nébuleuse GIA , afin d'aboutir à un partage du pouvoir entre les deux camps, alors que le deuxième reposerait sur une alternative démocratique, sur la base de nouvelles élections associant tous les partis représentatifs du pays. Ce dernier scénario serait, également, approuvé par tous les pays européens, exceptant la droite française au pouvoir .

Enfin, il nous semble que les événements depuis le déclenchement de la guerre civile en Algérie en janvier 1992, ont clairement montré l'impossibilité d'une victoire militaire totale d'un camps sur l'autre. En fait, l'armée s'est montrée incapable de mettre fin à l’insurrection islamiste, en revanche, les islamistes sont, aussi, incapables de conquérir le pouvoir par la force et d'instaurer "l'Etat islamique" qu'ils revendiquent. Face à ce dilemme, une solution réconciliatrice s'imposerait pour sauver le pays de cette absurdité sanglante. Cette solution serait, finalement, l'aboutissement d'une nouvelle mutation profonde au sein de l'armée, et d'un changement du discours islamiste vers le rationalisme et la modération.

L'armée algérienne 1954/1994: Mutations internes7

CHAPITRE (6): CONFLIT / UNITE AU SEIN D'UNE ARMEE NATIONALE

Par Riadh Sidaoui

L'armée algérienne a pu jusqu'à maintenant sauvegarder son unité, et sa solidarité face aux menaces des islamistes. Cependant, elle est menacée par des déchirures internes profondes.


6.1. ARMEE FACE AUX ISLAMISTES: L'UNITE INDISPENSABLE


L'Algérie est entrée progressivement, depuis 1991, dans la voie suicidaire de la guerre civile, à la violence institutionnelle et à la crispation du pouvoir en place par la violence islamiste et la volonté de conquérir l’Etat par la force.[1]

Aujourd'hui, l’armée algérienne compte 139.000 hommes dont 120.000 dans l'armée de terre. Les effectifs de la gendarmerie de 35.000 hommes, ceux de la police de 16.000 et ceux de la brigade de la garde républicaine de 1.000.

Les dépenses militaires sont de 36 dollars par habitant - contre 39 pour la Tunisie et 28 pour le Maroc... Le budget de la défense est le plus élevé des trois pays du Maghreb: 971 millions de dollars en 1991, contre 323 pour le voisin de l'Est et 730 pour celui de l'Ouest. De plus, 60.000 hommes sont engagés dans les forces spéciales chargées de combattre les groupes armés de l'opposition islamique. Ils se recrutent dans les unités d'élite de la police, de la gendarmerie et de l'armée.[2]

Quant aux islamistes, ils s'organisent dans deux groupes différents. Les "radicaux" ont structuré "les groupes islamiques armés " (GIA). Ils ont pratiqué une politique violente et sanglante contre l'armée et la police et tous ceux qui les considèrent comme une source de soutien pour le pouvoir comme les étrangers, les écrivains, les journalistes, les instituteurs, les fonctionnaires et les familles des officiers. La deuxième tendance s'incarne dans l’armée islamique du Salut (AIS). Elle se présente plus responsable, loin de l'arbitraire et disciplinée directement sous les ordres des dirigeants du "Front islamique du salut " (FIS).

Actuellement, les dégâts sont considérables. On compte plus de 50 000 victimes et une perte des milliards de dollars.


6.2. LES RISQUES D'IMPLOSION

Afin d'éradiquer le terrorisme, des nominations de personnalités sont annoncées dès octobre 1992, comme le général Mohamed Lamari (commandant des forces terrestres), il sera promu général-major, le général Touati, le général Derradji... Une législation d'exception est promulguée également dans la même période.[3]

L'implication prolongée de l'armée dans la lutte contre l'islamisme armé et militant s'est révélée porteuse de risques majeurs pour son unité. Un premier conflit apparaît entre politiques et techniciens. D'autres mutations s'opèrent en son sein sans que la classe politique n'ait eu jusque-là l’audience d'en tirer tous les enseignements.[4]

Le vendredi 6 mai 1994, des changements significatifs sont opérés dans la hiérarchie militaire. Cinq régions sur les six que compte l'Algérie changent de commandement. Ces changements profitent à des officiers supérieurs formés à l'école algérienne. La moyenne d'âge des nouveaux promus se situe entre 45 et 50 ans. "Si donc ces promotions paraissent procéder d'une stratégie de rajeunissement, elles n'en obéissent pas moins à des considérations politiques, faisant obligation au président Zéroual de se donner les moyens de sa politique pour pouvoir concrétiser les objectifs de la transition", indique le journal "Le matin".[5]

La multiplicité des acteurs est la première menace de l'éclatement et de l'atomisation du pouvoir de décision au sein de l'institution militaire. La multiparité qui organise le commandement est, pour l'instant, occultée par la prééminence prise par la lutte contre le terrorisme. C'est pourquoi, il reste à savoir comment l'armée digérera ses contradictions une fois la paix retrouvée. Le président Zéroual, selon le chercheur algérien Saïd Boulares, "hésite à entreprendre une réorganisation destinée à synchroniser l’ensemble disparate des réseaux et appareils et semble lui préférer la structuration de son propre réseau à partir d'une équipe qui double à la fois les services de la DRS (Direction du renseignement et de la sécurité), de la gendarmerie et de la police afin, d'élargir à terme sa marge de manoeuvre".[6]

Les facteurs de conflit sont inhérents tant à la dichotomie de plus en plus manifeste entre les politiques et les techniciens qu'à la manifestation beaucoup plus explicite de clivages entre "éradicateurs" et "réconciliateurs", entre officiers et sous-officiers et entre les différents corps impliqués dans la répression.[7] En outre, l'armée algérienne est historiquement déchirée depuis la guerre de la libération par des conflits devenus traditionnels comme le conflit régionaliste, ethnique et culturel.

6.2.1. ERADICATEURS / CONCILIATEURS

Les inflexions de rapports de forces se sont fortement recentrées autour du président Zéroual et du Général Mohamed Lamari: elles ont pour objet essentiel l’avenir à réserver au FIS et aux deux autres Fronts dans le futur décor politique algérien.

Le général Lamari, officier de l'armée française, entouré par des autres venant de la même école, se présente comme un éradicateur convaincu, il ne croit qu'à la violence absolue pour éradiquer le phénomène islamiste en Algérie.

Or, le président Zéroual reste un des conciliateurs, il a nommé par exemple Saïd Fodhil, le deuxième homme de l'ex Sécurité militaire, la DRS, à la tête de la quatrième région militaire de Ouargla et ce malgré l'opposition du clan des éradicateurs. En fait, ce remaniement n'est pas sans signification particulière. Saïd passe pour être un jeune cadre favorable au dialogue avec les islamistes.

De la même manière, huit généraux en retraite (anciens de l'ALN) et une quarantaine d'officiers en activité (nouvelle génération) signèrent, fin mars 1995, l'appel adressé au président Zéroual l’exhortant à ouvrir des négociations avec les mouvements islamistes.[8]

Quant aux facteurs traditionnels qui peuvent menacer l'unité de l'armée, ils se manifestent dans les conflits suivants:

6.2.2. LE CONFLIT REGIONALISTE

Nous pouvons mentionner quatre régions principales en Algérie. Le Sud sahraoui, le Centre, notamment Kabyle, l'Ouest arabe et l'Est Chaouite et arabe. Ces deux dernières sont les plus peuplées, le conflit se concentre entre l'Est dominant et l'Ouest dominé.

6.2.2.1. ORIGINES HISTORIQUES: L'Est comme région-base dans le déclenchement de la révolution

Dès le 1er Novembre 1954, et contrairement à l'Est, l'insurrection a totalement échoué en Oranie (l'ouest): mis à part les monts de Tlemcen, c'est une région peu propice à la guérilla, où la population européenne était nombreuse et active.[9] L'Ouest perdra, désormais, l'avantage historique dans la révolution. Tandis que la citadelle de l'Est est sans doute l'Aurès[10] et sa population chaouite, ils avaient construit les maquis les plus forts, armés et entraînés, ainsi formé les officiers les plus compétents de l'ALN, Boumedienne fut leur symbole. L'Aurès en particulier, et l'Est en général domineront l’armée le dés le coup de 19 juin 1965 jusqu'à présent.

6.2.2.2. DOMINATION D'UNE REGION: L'Est

Cette domination se cristallise dans les faits suivants[11]:

- sur 6 président de la république algérienne, 5 sont de l'Est, la seule exception était avec le 1er président Ahmed Ben Bella, originaire de l'Ouest, soutenu au début, et déposé après par Boumedienne (de l'Est), il n'a pas gouverné plus de trois ans.

- sur 10 chefs de gouvernement de l'indépendance jusqu'à présent (fin 1994), 7 sont de l'Est. Seulement 2 de l'ouest et 1 du centre.

- Dans la même période, les quatre ministres de la défense[12] sont de l'Est.

- La majorité actuelle des officiers influents dans l'armée sont de l'Est.

Cette domination, s'explique par l'avantage historique, le monopole du pouvoir par Boumedienne qui a instauré pendant 13 ans un régime fort basé sur la domination des militaires sur les politiciens et la région de l'Est sur l'Ouest et le reste du territoire algérien.

En outre, pendant le congrès de la réconciliation nationale en 1994, Bouteflika (Ouest), l'ex- ministre des affaires étrangères et l'ami fidèle de Boumedienne fut un candidat pour la présidence de la république. Mais le Lobby de l'Est a refusé sa candidature en choisissant Liamine Zeroual, un militaire de l'Est (Aurès).


6.2.3. LE CONFLIT ETHNIQUE: Arabes / Berbères

La réalité nationale algérienne est faite de pluralisme culturel dont celui qui distingue les Berbères des Arabes pose les problèmes les plus importants[13]. Avant 1831, l'année de l'occupation française, ces problèmes n'avaient jamais eu lieu.

Mohamed Harbi souligne à ce propos: "l'ethnisation des rapports politiques s'est constituée au cours de la période coloniale, elle s'est trouvée renforcée du fait de mouvements de population mettant en présence des communautés qui s'ignoraient. On peut dire qu'en tant qu'idéologies, le Berbérisme et l'Arabo-islamisme sont nés à la même période, dans les années 20. Mais alors que l'arabo-islamisme s'opposera dès sa naissance à la colonisation, il faudra attendre les années 40 pour voir les partisans d'un culturalisme berbère se ranger à leur tour sous le drapeau du nationalisme"[14]. Dès le déclenchement de la révolution, les Berbères, Kabyles ou Chaouis, ont joué un rôle de premier rang. Il faut remarquer, que les chaouis, habitants de l'Aurès, sont des Berbères fortement arabisés et défenseurs engagés pour la langue et la culture arabe, ce qui veut dire par conséquent que le conflit ne se pose pas entre arabes et berbères, mais plutôt entre chaouis et arabes d'un côté et Kabyles de l'autre côté. Ces derniers étaient ambitieux, mais la majorité arabe et chaouite a dominé l’armée, donc le pouvoir.

6.2.3.1. MINORITE AMBITIEUSE / MAJORITE PRUDENTE:

Dans le congrès de la Soummam, le 20 août 1956, les kabyles ont tenté de dominer ce congrès et les appareils de la révolution. Abbane Ramdane en était le dirigeant, il avait ignoré l'appartenance arabe et islamique[15], il avait, également, annoncé, la primauté du politique sur le militaire et l'intérieur sur l'extérieur. Les militaires et la délégation de l'extérieur arabes et chaouis étaient contre la tendance de Abbane. Celui-ci est assassiné par son collègue arabe Abdelhafid Boussouf. De même Krim Belkacem (kabyle), a voulu être le chef de la révolution et avoir un poste de premier plan à la veille de l'indépendance, mais il fut assassiné par la sécurité militaire de Boumediènne..."l'un des soucis lancinants des responsables arabes pendant la guerre d'Algérie aura été de marginaliser les chefs politiques kabyles. A leurs yeux, ils sont à peu prés tous suspects de Berbérisme et leur loyalisme "arabe" n'est pas assuré".[16] Les Berbères kabyles, malgré leurs rôle historique dans la révolution ont perdu toute influence dans l'appareil d'Etat de l'Algérie indépendante.

Ben Bella, le premier président de l'Algérie a réaffirmé l'arabité de l'Algérie et son arabisme militant: "Nous sommes des arabes, des arabes, dix millions d'arabes" déclare-t-il dans un discours à Tunis[17]. Boumediènne, le Berbère arabisé continua la politique arabisante de l'Algérie. Bendjedid, pendant les émeutes du printemps berbère en 1980 réagit fortement et déclara "L'Algérie est un pays arabe, musulman. La question d'être arabe ou pas ne se pose pas. Notre langue est l'arabe, notre religion est l'islam (...) le patrimoine culturel national n'est pas le monopole d'une région ou d'un groupe"[18]. La domination des arabes sur les Kabyles se manifeste par le monopole totale des postes-clés dans l’armée ainsi que dans l'appareil d'Etat algérien[19].

6.2.3.2. POSTES TABOUS: Présidence de la république/Ministère de la défense

Si nous constatons que les postes clés du vrai pouvoir s'incarnent dans la présidence de la république et le ministère de la défense, nous remarquons d'après nos tableaux une domination totale de la coalition arabo-chaouite contre les Kabyles. Sur six président, nous trouvons 4 arabes, 2 chaouites, aucun Kabyle, ni Touareg, ni Mozabite[20]. de même à ce qui concerne le ministère de la défense, sur 4 ministres, il y a qu'un seul arabe (Bendjedid) et 3 Chaouites.

Ce monopole s'explique par les origines historiques des rapports de force dans la révolution. Quand les Kabyles ont perdu le pouvoir avec Abbane Ramdane, Krim Belkacem et Hocine Aït Ahmed, les Arabes et les Chaouites, militaires de l'Est l'ont monopolisé. Il s'explique aussi par le fait que les Kabyles sont une minorité dans la population algérienne.


6.2.4. LE CONFLIT DE GENERATIONS


La révolution algérienne a était déclenchée par des militants jeunes, ayant rejeté le choix pacifique des vieux militants. Ces mêmes militants, dits chefs historiques, ont été à leur tour , écartés par de très jeunes officiers de l'armée.

Ce groupe se forma autour de Boumedienne et écarta le GPRA en première étape, puis Ben Bella dans le coup d'Etat de 19 juin 1965.

Depuis la mort de Boumedienne, le pouvoir est monopolisé par de vieux militaires, les 4 présidents étaient de la vieille génération, ainsi les trois ministres de la défense, alors que sur 8 chefs de gouvernements, ils y’ avaient 5 vieux et seulement 3 jeunes.[21] Le recours à ces jeunes s'explique par le besoin du " vrai pouvoir" de jeunes cadres technocrates, notamment économistes pour réformer l'économie algérienne en crise. En fait, ce poste est plus d'ordre administratif que politique.

Plus sensibles aux courants politiques qui traversent la société, les sous-officiers subissent aussi directement le l’effet de la crise. Leur paupérisation sociale les rapproche des courants politiques les plus radicaux d'obédience religieuse.

En 1995, la recrudescence des assassinats de militaires, dont de nombreux colonels, a aussi fortement altéré les sympathies que pouvaient trouver les groupes terroristes dans les rangs de l'armée...Les jeunes commandants et colonels, issus pour la plupart des grandes écoles algériennes et étrangères, ont cependant perdu nombre de leurs avantages et de leurs privilèges. Plus enclins à conceptualiser et à donner un sens à leur mission, ils en viennent parfois à des accusations de corruption portées par les islamistes à l'endroit de leurs prédécesseurs et des nouveaux riches qui émergent à l'ombre de leurs représailles.[22]

Fallait-il remarquer que le Front islamique de salut (FIS) est, entre autres, une réaction brutale de la jeune génération contre la génération historique.



[1]- Mohamed HARBI, "l'Algérie prise au piège de son histoire", le Monde Diplomatique, 41 années, No 482, Mai 1994.

[2] - Cité in Saïd Boularès, "La Grande Muette livre ses secrets", Les Cahiers de l'Orient, troisième/ quatrième trimestre1995 No: 39/40. P192.

[3]- Khadidja Abada, "La fin d'un mythe", Les Cahiers de l'Orient, op, cit, pp.136-137.

[4] -Saïd Boularès, "La grande muette livre ses secrets"op.cit, p195.

[5] - Ibid., p200.

[6] - Ibid., p204.

[7]- Ibid., p204.

[8]- Ibid., p205.

[9]- Ania FRANCOS et J.P. SERENI, Un Algérien nommé BOUMEDIENE, op. cit., p56.

[10]- L'Aurès est constitué, actuellement, des Wilayas: Betna, Khanchla et Om el-Bawaqi.

[11]- Voir les trois tableaux intitulés, Le président de la république, le Chef de gouvernement, le ministre de la défense dans les annexes.

[12]- Boumediene a monopolisé ce poste dès l'indépendance jusqu'à sa mort en décembre 1978, C'est le poste le plus sensible au sein du pouvoir algérien, le président actuel Lamine Zeroual a exigé de garder ce ministère pour qu'il accepte la présidence de la république.

[13]- Monique Gadant, Islam et Nationalisme en Algérie, op, cit., p58.

[14]- Mohamed Harbi, "Violence, Nationalisme, Islamisme", Les temps modernes, op, cit.

[15]- C'était l'opinion de Ahmed Ben Bella, dans Fethi Eldib, 'Abdennasser et la révolution algérienne, L'Harmattan Paris, 1986, p172.

[16]- Chaker Salam, Berbères aujourd'hui, l'Harmattan, Paris, 1989, p27

[17]- Ibid., op. cit., p12.

[18]- Propos apportés dans ElMoudjahid du 20 Avril 1980.

[19]- A l'exception de quelques rares cas, comme le général-major Mohamed Lamari.

[20]- Se sont des minorités berbères qui n'ont presque aucun poids politique.

[21]- Voir les tableaux dans les annexes.

[22]- Ibid., p206.